Anticipation ou prédiction : devez-vous réellement choisir ?
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“L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare”. Maurice Blondel
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Résumé
Dans les entreprises la cérémonie des vœux est un moment privilégié largement partagé avec le personnel. Le dirigeant y rappelle souvent la stratégie définie par le conseil d’administration afin que chacun perçoive clairement l’importance de son rôle et que sa contribution à la réalisation des objectifs de l’entreprise soit valorisée.
Si l’incertitude est inhérente à l’activité de tout entrepreneur et à tout processus décisionnel, le dirigeant doit réduire au maximum celles touchant les facteurs pouvant affecter le développement et les projets de l’entreprise et anticiper les turbulences futures de son écosystème en recourant aux outils et techniques propres à l’anticipation pour développer des stratégies capables de répondre à la survenue des évènements détectés par les signaux faibles.
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En début d’année, il est commun de définir les bonnes résolutions que l’on va prendre (… et tenter de suivre … au-moins durant quelques semaines) pour que l’année qui débute soit la meilleure possible.
Partager la stratégie de l’entreprise
Dans les entreprises, notamment les PME et les PMI, la cérémonie des vœux est un moment privilégié largement partagé avec personnel.
Généralement, le dirigeant saisit cette opportunité de rencontrer toutes ses équipes pour rappeler la stratégie définie par le conseil d’administration pour le court, le moyen et le long terme.
Le but recherché est multiple et vise notamment à :
- Permettre aux collaborateurs de comprendre l’importance de leur rôle au sein de l’entreprise et de valoriser leur contribution à la réalisation des objectifs de l’entreprise dans la perspective d’obtenir de chacun d’eux, un engagement encore plus fort ;
- Améliorer la communication au sein des différents services de l’entreprise et à tous mes échelons de l’échelle hiérarchique ;
- Profiter du savoir, du savoir-faire et de l’expérience de chaque membre du personnel pour trouver les meilleures solutions d’amélioration des procès de l’entreprise ;
- Aider les employés à mieux planifier leur travail pour le rendre plus efficace, plus attractif et moins pénible ;
- Adapter chacun aux changements inéluctables qui toucheront l’entreprise pour que tous les salariés puissent saisir les opportunités futures qui se présenteront à eux et progresser dans leur vie professionnelle et personnelle ;
- Renforcer les valeurs et la culture de l’entreprise.
Par ce rappel à tous de la stratégie de l’entreprise, le dirigeant cherche aussi à maintenir et, plus encore, à renforcer son propre leadership sur ces équipes.
Le maître-mot : l’incertitude
Le temps où l’on bâtissait des plans sur le long terme dans un contexte de croissance continue, même si certaines périodes plus ou moins fastes y étaient intégrées, est définitivement révolu.
Les crises des dernières années ont rappelé aux dirigeants d’entreprise que si la prise de risque est inhérente à l’entrepreneuriat, les chefs d’entreprise se doivent de réduire au maximum les incertitudes touchant tous les facteurs affectant leurs activités.
Faute de quoi, le développement de leurs entreprises se verrait, dans le meilleur des cas, freiné ou pire, elles péricliteraient inéluctablement à plus ou moins brève échéance.
L’incertitude est inhérente à tout processus décisionnel et concerne non seulement les résultats d’une action ou d’un projet mais aussi les événements futurs qui pourraient impacter, en tout ou partie, les actions et les projets menés ou envisagés.
En prendre conscience permet de mieux appréhender les conséquences des décisions prises ou subies et de développer des stratégies pour mieux les gérer.
Cependant, si trop souvent, l’incertitude est approchée de façon négative, elle peut aussi avoir des conséquences très positives sur le développement d’une entreprise, d’une filière ou d’un secteur de l’économie locale, nationale et même internationale. Pour vous en convaincre, pensez aux conséquences de la récente épidémie de coronavirus.
L’incertitude sur le mode de transmission a été très bénéfique aux fabricants de masques chirurgicaux et a entraîné des opportunités de croissance ou de bénéfices supplémentaires pour les opérateurs de ce secteur.
A l’opposé, l’incertitude peut aussi avoir un impact négatif sur le développement des affaires avec comme conséquence, de lourdes pertes financières et des dommages réputationnels comme dans le cas, par exemple, des entreprises devant rappeler certains de leurs produits à la suite de la découverte d’un dysfonctionnement, d’une contamination ou d’une altération grave de leurs produits et/ou d’informations tronquées ou malveillantes sur les performances de leurs produits ou de leurs services.
En plus de se protéger des conséquences économiques et pénales le concernant à titre personnel si sa responsabilité était recherchée, le chef d’entreprise se doit de prendre toutes les dispositions et de mettre en place tous les moyens d’abord pour identifier les multiples incertitudes auxquelles l’entreprise qu’il dirige, ses employés, ses clients et ses fournisseurs peuvent être confrontés puis d’en évaluer l’impact technique, économie, juridique, social, sociétal, environnemental entre autres afin qu’il puisse prendre ses décisions de manière éclairée.
Prévoir les turbulences de l’écosystème
Si à l’évidence, il n’existe pas une méthode unique, miraculeuse et infaillible pour prévoir les turbulences de l’écosystème d’une entreprise, d’une filière, d’un secteur économique ou géographique donné en revanche, plusieurs outils sont disponibles pour évaluer les risques et de les minimiser.
A titre d’exemple, on citera, sans que la liste soit exhaustive, les outils suivants :
- L’analyse de la chaîne d’approvisionnement et des contraintes logistiques propre à l’entreprise mais aussi aux fournisseurs et aux fournisseurs des fournisseurs ;
- L’analyse PESTEL (politiques, économiques, sociaux, technologiques, environnementaux et légaux) des composantes affectant les activités d’une entreprise ;
- L’analyse des risques et des dangers qui peuvent en résulter liés notamment aux marchés, aux opérations commerciales et financières, aux actifs corporels et incorporelles (AMDEC et cindyniques) ;
- Le recours à l’intelligence économique et à un ensemble de méthodes et de techniques permettant de collecter, d’analyser et de diffuser des informations stratégiques pour l’entreprise ;
- L’analyse de l’évolution des tendances du marché ;
- Le benchmarking des performances des différentes fonctions de l’entreprise par rapport à des concurrents identifiés et considérés comme potentiellement dangereux.
Tous ces outils ne sont pas antinomiques mais complémentaires et le choix de leur combinaison dépendra des besoins et des attentes visées.
Enfin, et parce que c’est trop souvent omis, il est essentiel de développer un réseau informatif à partir des remontées d’informations obtenues par chacune des personnes de l’entreprise auprès notamment, des fournisseurs, des clients, des différents prestataires que l’entreprise côtoie au quotidien.
L’essentiel est de ne pas se laisser surprendre par la survenue d’un facteur générateur de turbulences de son écosystème notamment si cette perturbation risque d’affecter la survie de l’entreprise.
Attention cependant, à bien garder en mémoire la différence fondamentale entre anticipation et prédiction, deux notions que l’on considère trop souvent, à tort, comme synonyme.
Précisons-les maintenant.
Anticipation et prédiction n’ont rien de commun
L’anticipation et la prédiction sont deux approches très différentes mais qui peuvent être complémentaires d’un processus de réflexion stratégique.
Elles sont classiquement utilisées pour tenter d’appréhender la vision du futur d’une organisation et/ou d’un écosystème et définir la stratégie la plus adaptée pour assurer leur développement pérenne.
La prédiction consiste, à partir de données quantitatives du passé disponibles dans l’entreprise et/ou collectées auprès de sources externes, à calculer avec un certain degré de certitude, en recourant à des méthodes statistiques et des modèles mathématiques, des tendances et à extrapoler sur le futur les résultats des leçons et des expériences apprises du passé.
Les modèles classiquement utilisés pour la prédiction sont :
- Les régressions (linéaire, logistique, polynômiale, etc.) qui permettent de prévoir une variable cible en fonction d’autres variables explicatives
- Les arbres de décision qui servent à modéliser des décisions à partir de règles basées sur des variables explicatives
- Les réseaux de neurones surtout s’il s’agit de reconnaissance d’images ou de la parole, de la traduction automatique, etc.
- Les modèles de séries chronologiques (ARIMA – Auto-Regressive Integrated Moving Average – ou SARIMA – Seasonal Auto-Regressive Integrated Moving Average) pour la prévision de séries temporelles, comme les volumes de ventes, l’évolution des prix ou des températures, etc.
- Les modèles de Markov pour la modélisation des processus aléatoires évoluant dans le temps
- Les modèles de clustering pour le regroupement de données en fonction de leurs similitudes
Si chacun de ces modèles peut être utilisé seul, plusieurs peuvent aussi être combinés pour améliorer la précision des prévisions en exploitant les données disponibles sous différents angles.
Attention, les calculs effectués pour les prédictions intègrent la plus grande partie des données disponibles (de l’ordre de 80%) mais excluent les singletons et/ou les valeurs aberrantes sur la base de leur non représentativité de l’ensemble des données.
L’anticipation se concentre au contraire sur les observations non intégrées dans les courbes de prédiction (20% des données disponibles) et donc, sur les informations singulières ou aberrantes laissées de côté dans les prédictions alors que ces données constituent, peut-être, des signaux précoces, inadéquatement appelés faibles, qui devraient aiguiser la curiosité des stratèges de l’entreprise.
L’anticipation permet de se projeter dans l’avenir, de prendre les devants et de se préparer aux événements à venir sur la base d’une réflexion sur les scénarii futurs possibles à partir d’éléments disséminés qui prennent toute leur force à qui sait les identifier, les réunir et les interpréter.
Anticipation ou prédiction : le faux choix
Ces précisions apportées, la réponse à notre interrogation du départ à savoir, anticipation ou prédiction : devez-vous réellement choisir ? devient évidente.
L’anticipation est assurément à privilégier.
Les raisons ?
Basée sur le passé, la prédiction repose sur le postulat sous-jacent que le futur n’est qu’une translation du passé or, il n’en est rien comme l’ont encore montré les changements mondiaux récents.
L’anticipation détectera très tôt des évènements qui bouleverseront l’écosystème commercial, financier, marketing, la production, le management, l’organisation, la recherche et développement, les ressources humaines, la responsabilité sociale et sociétale de l’entreprise notamment.
L’anticipation est une démarche proactive qui permet à l’entreprise de se projeter dans l’avenir et de prendre les devants en pointant les opportunités et les risques à venir afin de s’y préparer à y faire face.
L’anticipation permettra de définir la stratégie qui adaptera l’entreprise aux modifications identifiées de leur écosystème et la préparera, dans les meilleures conditions, et avec le temps nécessaire, à renforcer sa position de façon sereine, durable et rentable pour l’avenir.
A vous de faire votre choix maintenant
Trop souvent, ce sont les connaissances de vos collaborateurs qui déterminent que le recours à l’analyse prédictive est le levier à utiliser pour appréhender le futur de l’entreprise et permettre au conseil d’administration de définir la stratégie de l’entreprise.
Mais leurs présentations Powerpoint, de plus en plus élégantes, ne doivent pas faire illusion et surtout pas faire oublier que toutes leurs présentations sont basées sur des résultats d’actions passées et que l’avenir n’est en rien une projection de ce passé.
Cette approche méconnait les signaux annonciateurs de bouleversements touchant une entreprise, une filière ou un secteur économique et/ou géographique et leurs écosystèmes respectifs et obère sa résistance et affaiblit son avenir alors que des outils modernes et performants existent pour fournir aux conseils d’administration en charge de la stratégie, les éléments permettant de construire plusieurs scenarii en fonction de la réalisation de l’une ou l’autre des turbulences identifiées par ces outils d’anticipation.
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P.S.
Chers Amis lecteurs,
Pour vous permettre de briller vous aussi sur ce sujet, j’ai souhaité vous offrir mon florilège des trois meilleurs ouvrages en anglais et en français sur l’anticipation et la prédiction.
Vous obtiendrez cette liste gracieusement en cliquant sur le bouton situé au bas de cette page.
Bonne lecture.
Sympathiquement vôtre,
Jean-Marie Carrara
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Pourquoi SICAFI peut vous aider ?
Depuis 1994, les consultants de SICAFI, sous la direction de Jean-Marie Carrara, accompagnent les dirigeants d’entreprise de tous secteurs et de toutes tailles, de façon discrète et confidentielle, dans la perspective de ne servir exclusivement que leurs intérêts, leur image et leur leadership.
Pour quoi recourir à SICAFI
SICAFI peut notamment, et sans que la liste soit exhaustive :
- Vous guider pour établir une approche structurée capable d’anticiper et de consolider le futur de vos entreprises ;
- Vous aider à sensibiliser vos conseils d’administration aux techniques disponibles à même de conforter la stratégie de vos entreprises ;
- Vous prêter main-forte pour qualifier vos choix pour la sélection des membres que vous souhaitez intégrer dans vos conseils d’administration ;
- Vous faire bénéficier, le cas échéant, d’un vivier de personnes qualifiées pour renforcer vos conseils d’administration ; …
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